En matière de sexualité, la pénétration est souvent la norme, et cela dure depuis longtemps ! Considérée comme l’acte essentiel, voire l’aboutissement de tout rapport sexuel, la pénétration est souvent associée à l’idée de pouvoir et de domination. Il existe pourtant une autre façon de voir les choses : la circlusion. D’où vient ce mot et comment découvrir de nouvelles pratiques grâce à lui ? My Lubie a enquêté !
La circlusion, kesako ?
C’est un terme que l’on voit fleurir depuis quelques mois : la circlusion. Derrière ce mot un peu étrange se cache un concept qui pourrait bien redistribuer les cartes en termes de sexualité. Pour bien comprendre, faisons d’abord un point lexical ! Le terme "circlusion" est formé du préfixe "cir" dérivé du latin "circum" qui signifie "autour" et de "clure", dérivé de "clore" pour "fermer".
Vous ne voyez pas le rapport avec le sexe ? L’écrivaine allemande Bini Adamczak l’explique mieux que personne. Rien d’étonnant à cela, car c’est cette figure du féminisme outre-Rhin qui a utilisé pour la première fois le terme de circlusion en 2016. Selon elle, cette pratique serait l’inverse de la sacro-sainte pénétration : « Pénétration signifie introduire ou insérer. Circlusion signifie entourer ou enrober. En utilisant le mot de circlusion, le rapport d’activité et de passivité est inversé. » Et l’autrice d’aller encore plus loin dans la version imagée de la circlusion : « Lorsqu’une vis est vissée dans un écrou, il y a pénétration ; lorsque l’écrou est vissé sur la vis, il y a circlusion. »
Autrement dit, la circlusion est le fait d’entourer, d’enrober ou d’enfiler quelque chose, que ce soit un objet ou un organe. Appliqué à la sexualité, il s’agit donc d’envelopper une verge, un doigt ou encore un accessoire sexuel. En miroir de l’acte de pénétration, on peut ainsi constater (et affirmer !) qu’un vagin ou qu’une bouche circlut un pénis, un accessoire sexuel ou des doigts. Évidemment, pénétration et circlusion ne s’opposent pas. Pour qu’elles aient lieu, les deux actions ont besoin l’une de l’autre. Ce qui explique que circlusion et pénétration soient complémentaires et non contraires. Un peu philosophique, tout ça !
Pénétration et circlusion : des pratiques complémentaires
Mais alors, pourquoi faire ce constat ? Pour un peu plus d’égalité en matière de sexualité ! L’idée sous-jacente ? Cesser de considérer que les rapports de domination sont la norme. En clair, prôner la circlusion, c’est sortir du schéma “actif - passif” très présent dans l’idée que l’on se fait de la sexualité. En arrêtant de considérer que celui ou celle qui pénètre est actif, et que la personne pénétrée est passive, on change de paradigme, de perspective. Car en étant pénétré, on a pleinement conscience de l’être et on participe activement à cette action sexuelle en entourant, en englobant l’objet ou l’organe qui pénètre. On encercle, on donne et on reçoit. De quoi rééquilibrer les choses et revoir les bases de la sexualité.
Changer de point de vue sur la sexualité
Car sans vouloir mettre à l’index la pénétration (sans jeux de mots !), l’émergence de la circlusion permet de se rendre compte combien notre société et notre culture ont fait de l’acte de pénétrer un acte indispensable, voire un impératif de tout rapport sexuel. Pénétrer peut aussi véhiculer l’idée de domination d’un partenaire sur l’autre. Schématiquement, le mode de pensée « Je te pénètre, donc je mène le jeu » est également renforcé par la position sexuelle du missionnaire. Un classique de la sexualité avec un partenaire au-dessus et l’autre en-dessous. De là à considérer ou à croire que celui du dessus s’active, tandis que celui du dessous ne fait rien, il n’y a qu’un pas. Avec la circlusion, le rapport dominant-dominé ne s’inverse pas, il trouve un point d'équilibre, elle se veut le pendant égalitaire de la pénétration.
La circlusion pour toutes et tous !
Alors, la circlusion est-elle un terme et une pratique réservés aux personnes à vulves ? Détrompez-vous. Plusieurs militants féministes rappellent, à juste titre, que dans le cadre d’une relation hétérosexuelle, un homme peut tout à fait circlure lui aussi. En recevant un doigt dans l’anus, il circlut ce doigt. La femme peut donc à son tour être pénétrante. De quoi revisiter le récit de la domination, comme l’explique Martin Page dans son livre Au-delà de la pénétration (éditions Le Nouvel Attila) : « Grâce à la circlusion, on peut ne plus considérer la pénétration comme une pratique dominante ».
Derrière le terme de circlusion se trouve également la volonté de ne plus considérer le vagin comme un simple orifice. C’est ce que prône la journaliste Maïa Mazaurette dans son livre Sortir du trou, lever la tête (éditions Anne Carrière). Car il ne faudrait pas oublier que le sexe féminin est un organe fait de muscles et de nombreuses terminaisons nerveuses qui ont le pouvoir de se contracter et d’accompagner ainsi la pénétration, de maîtriser l’avancée de tout corps étranger, que ce soit des doigts, un pénis ou un accessoire sexuel. Un organe qui a également la faculté d’éjaculer !
La circlusion, plus qu’un mot
Au-delà du concept, la circlusion peut changer notre façon de nous exprimer, mais aussi notre manière de considérer la sexualité. « Le mot circlusion nous permet de parler autrement de sexe. Ce mot est nécessaire car cette triste fixette sur la pénétration domine toujours dans l’imaginaire hétéro-normatif et -comme si cela ne suffisait pas – domine aussi dans l’imaginaire queer. On peut l’observer dans le porno (...). Presque sans exception, le gode et le pénis servent de signe pratique de pouvoir », explique ainsi la féministe Bini Adamczak. « La bataille est aussi linguistique » ajoute l’essayiste Martin Page. En circluant, les individus prennent conscience de leurs propres corps et de leur pouvoir, de leur puissance. Car prendre du plaisir, c’est aussi en donner !
Comment pratiquer la circlusion ?
Concrètement, décide-t-on de circlure ou cela s’impose-t-il à nous ? Eh bien, c’est avant une question de point de vue. Martin Page s’est interrogé sur la question, en se demandant si la circlusion était simplement descriptive ou si elle relevait d’une question de mouvements. La réponse n’est pas si évidente !
Au cours d’une relation sexuelle, une personne à vulve peut utiliser son périnée pour se sentir pleinement active. Rappelez-vous : les muscles utérins se contractent et se relâchent au gré de l’excitation. Quand on en a la maîtrise, on peut ainsi “mener le jeu” et faire durer le plaisir et le rapport sexuel ! De même, en adoptant la position sexuelle d’Andromaque, la femme qui est sur le dessus peut expérimenter un sentiment de domination sur son partenaire. Mais pourquoi ne le pourrait-elle pas aussi en position du missionnaire ?
En fait, tout est affaire de prise de conscience. Simplement se dire que l’on circlut, c’est déjà pratiquer la circlusion. On peut aussi le verbaliser et le dire à son partenaire, qui peut d’ailleurs trouver cela très excitant ! Inclure le concept de circlusion à ses pratiques sexuelles, cela contribue à étoffer le champ lexical de l’amour et de la sexualité.
La circlusion aujourd’hui
Vous l’avez compris, la circlusion n’entend pas remplacer, ni diaboliser la pénétration. Car même si les études révèlent qu’elle n’est pas un gage systématique de jouissance et d’orgasme, la pénétration est une pratique qui apporte beaucoup de plaisir. Plus de trois-quarts des femmes interrogées déclarent d'ailleurs avoir eu un orgasme grâce à la pénétration (source : sondage Ifop - février 2019). L’émergence de nouvelles pratiques sexuelles n’est d’ailleurs pas censée nous faire renoncer à ce que l’on connaît déjà.
Au contraire : ces nouvelles prises de conscience viennent plutôt enrichir nos rapports et notre sexualité. À l’image du slow sex dont on parle de plus en plus et qui permet de reconsidérer les choses sous un angle différent. Aujourd’hui, le verbe circlure n’est pas entré dans le langage courant. Comme pour beaucoup de nouveaux mots, cela pourrait prendre plusieurs années. Cela étant dit, il a le mérite de nous faire prendre de la hauteur sur nos pratiques sexuelles et notre vision de la sexualité. Et c’est déjà beaucoup !
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Autrice : Caroline Bédi