Je ne ressens rien pendant le sexe ? Comprendre l’anhédonie sexuelle.
“Je ne ressens rien.”
“J’ai l’impression que mon corps est éteint.”
“Je fais l’amour mais je suis ailleurs.”
“Je n’ai aucune sensation pendant les rapports.”
Ces phrases, je les entends régulièrement en consultation. Elles viennent de personnes qui se sentent étrangères à leur propre corps, incapables d’éprouver du plaisir sexuel – ou même de percevoir quoi que ce soit pendant les rapports. Caresses, pénétration, excitation… tout semble leur glisser dessus, comme si leur corps ne répondait plus.
Ce phénomène porte un nom : l’anhédonie sexuelle.
C’est quoi, l’anhédonie sexuelle ?
L’anhédonie désigne l’incapacité partielle ou totale à ressentir du plaisir. Lorsqu’elle touche la sexualité, elle peut se manifester par :
- une absence de sensations agréables (ou de sensations tout court) pendant les rapports ;
- une difficulté à se connecter à son excitation ;
- une mise à distance ou un évitement progressif de la sexualité, faute de plaisir.
Certaines personnes décrivent une sorte de vide, de déconnexion. D’autres continuent à avoir des relations sexuelles, mais mécaniquement, "comme si elles jouaient un rôle".
Les causes possibles de l’anhédonie sexuelle
Il n’y a pas une seule cause, mais souvent plusieurs facteurs enchevêtrés. Voici quelques origines possibles, regroupées en grandes catégories :
Des facteurs psychologiques et émotionnels
- Des violences sexuelles ou physiques, vécues à l’enfance, à l’adolescence ou à l’âge adulte, peuvent entraîner une dissociation traumatique : pour survivre à l’insupportable, le corps s’anesthésie. Ce mécanisme peut se réactiver lors des rapports.
- Une éducation culpabilisante autour du sexe, marquée par des injonctions religieuses ou culturelles (”le sexe, c’est sale”, “les filles bien ça fait pas ça”) peut ancrer de la honte et du blocage corporel.
- Des remarques dégradantes ou du harcèlement sur le corps, par la famille, les partenaires ou les pairs, peuvent laisser des traces durables, altérant l’image de soi et le droit au plaisir.
- Des conflits de couple, des infidélités ou une longue absence de sexualité peuvent également générer une forme d’anhédonie.
Des facteurs neurologiques, médicaux ou biologiques
- Certains troubles psychiatriques, comme la dépression, les troubles bipolaires ou schizophréniques, peuvent engendrer une perte de la capacité à ressentir.
- La prise de certains médicaments (antidépresseurs, neuroleptiques…) peut entraîner des effets secondaires sur le plaisir sexuel.
- La consommation de drogues (cocaïne, cannabis, alcool, etc.) ou la dépendance à certains psychostimulants peuvent altérer durablement le système dopaminergique, impliqué dans le plaisir.
- À l’inverse, lors du sevrage, on peut également traverser une période d’anhédonie transitoire.
- Des pratiques compulsives (addiction à la pornographie ou à la masturbation, par exemple) peuvent parfois entraîner une forme d'épuisement ou d’habituation des circuits du plaisir.
Des facteurs liés au stress et à la charge mentale
Le stress, la fatigue, la surcharge émotionnelle ou mentale peuvent empêcher d’être présent à soi-même pendant la relation sexuelle. La personne reste “dans sa tête”, en vigilance ou en rumination, au lieu de ressentir. Elle devient spectatrice de la scène, au lieu d’en être l’actrice.
⇒ Ce n’est pas “dans votre tête”, c’est dans votre corps. Et c’est réversible.
L’anhédonie n’est pas une fatalité. Mais elle ne disparaît pas toute seule. Pour retrouver du plaisir, il ne s’agit pas juste de "réessayer plus fort", mais plutôt de changer de posture, de rythme, d’attention.
Voici quelques pistes concrètes pour commencer à vous ré-approprier vos sensations :
Comment retrouver du plaisir sexuel ? 6 pistes pour se reconnecter à soi
1. Revenez au corps, tout doucement
Avant même de parler de sexualité, commencez par revenir au contact de votre corps. Cela peut passer par :
- des automassages sans but sexuel et sur des zones que vous et votre partenaire ne sexualisez pas (épaules, bras, ventre…) avec une huile de massage naturelle et qui respecte le corps.
- le contact en pleine conscience avec différentes textures (huiles, tissus, plumes, savons, cire de bougie, l’eau de la douche sur votre peau…)
- des pratiques corporelles douces comme le yoga, la danse libre, le Qi Gong…
L’objectif premier c’est de réactiver le lien sensoriel dans des contextes de vie quotidienne et dans des situations non sexuelles, en sortant de la performance.
2. Introduisez la respiration consciente à votre quotidien
Le plaisir sexuel naît d’un état de disponibilité psychique. Si votre esprit est saturé, en stress ou en vigilance, il devient impossible d’accueillir la moindre sensation.
Des outils comme la respiration consciente, la pleine conscience ou certaines techniques de relaxation somatique peuvent vous aider à relâcher le mental et revenir au corps… pour faire place au ressenti.
En respirant, ressentez :
- l’air rentrer dans vos narines à l’inspiration
- l’air sortir par votre bouche à l’expiration
- les mouvements de votre ventre qui se gonfle et se dégonfle…
3. Explorez en solo, à votre rythme
Se (re)découvrir à travers l’autoérotisme, c’est se donner la permission de ressentir, sans enjeu de performance ni regard extérieur.
Utilisez des accessoires de plaisir si cela vous parle, mais ce n’est pas obligatoire. Le plus important : être curieuse de vos sensations, de vos réactions, sans jugement.

Aura, stimulateur clitoridien
JE DÉCOUVRE SES PULSATIONS
Dune, le galet vibrant
JE DÉCOUVRE SES VIBRATIONS4. Ouvrez le dialogue avec un.e partenaire bienveillant.e
Si vous êtes en couple, il peut être aidant de parler de ce que vous ressentez (ou pas), de poser des mots sur vos limites, vos besoins, vos peurs. Le plaisir, c’est aussi une histoire de communication.
5. Être accompagnée si nécessaire
Un accompagnement thérapeutique (sexothérapie, psychothérapie, TCC, EMDR…) peut vous aider à comprendre l’origine de cette anesthésie et à la traverser. Vous n’êtes pas seule, et vous n’êtes pas “cassé.e”.
Conclusion : se réapproprier son corps et ses ressentis, c’est possible
Si vous vous sentez étrangère à votre plaisir, sachez que vous n’êtes pas le.la seul.e, et que votre absence de ressenti dans la sexualité a une logique, même s’il vous échappe aujourd’hui.
Se reconnecter à son corps et à ses sensations demande du temps, de la douceur et parfois du soutien. Il ne s’agit pas de "réparer" un dysfonctionnement, mais plutôt de réapprivoiser une partie de soi, de vous ré-approprier votre corps avec patience, indulgence envers vous-même et bienveillance.
À propos de l’autrice :
Clémence Rerolle est sexologue clinicienne et créatrice du podcast @dénudé.e.s. Elle aide des personnes et des couples à dépasser leurs difficultés sexuelles et cheminer vers une intimité apaisée, authentique et joyeuse. Elle consulte en visio et en présentiel.
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