Dans cet article, on parle d’une modalité de sexualité un peu différente. Les sexualités plutôt que la sexualité. Il existe effectivement plusieurs registres de sexualités. Ce qu’il faut savoir, c'est qu’aucune n’est meilleure qu’une autre. Il n’y a pas de hiérarchie entre elles et aucune obligation de les explorer toutes. Cette exploration doit toujours se faire avec envie, conscience et respect de soi.
La jouissance physique
Première notion à connaître, c’est que la jouissance physique n’est pas le but à atteindre de toutes les sexualités. Dans la sexualité conventionnelle, la recherche du plaisir passe principalement par la stimulation de zones dites érogènes.
Bien qu'elle tende à se déconstruire, la sexualité conventionnelle est une sexualité qui est souvent investie selon le modèle “préliminaires- pénétration- orgasme”.
L’orgasme ou la jouissance physique d’un ou des deux partenaires étant la finalité d’un rapport considéré comme réussi. Dans la sexualité de l’ombre qui pourrait aussi se nommer "transgressive ou pulsionnelle", la recherche du plaisir ne se fait pas grâce à “ce qui semble évident” comme dans la sexualité «conventionnelle».
Le plaisir ne sera pas sexuel au sens génital du terme. Bien qu’il puisse y avoir des jeux sexuels, le but n’est pas de jouir/faire jouir mais de jouer avec d’autres leviers de plaisir que la stimulation d’une zone érogène jusqu’au paroxysme.
Mais alors que fait-on et comment prend-on du plaisir ?
La sexualité de l’ombre s’articule donc autour d'éléments moins conventionnels et plutôt transgressifs par rapport aux normes sociales et ses propres normes. Les éléments principaux de cette sexualité seraient :
- Accentuer les sensations physiques en surfant sur l'axe plaisir-douleur
- Instaurer un échange de pouvoir entre les partenaires
- Renverser les rôles admis au quotidien ou les investir avec une forme de théâtralité
Les possibilités de jeux sont multiples. Ces jeux peuvent être plutôt axés sur la cérébralité, le fait de sentir son partenaire à sa merci voire à son service (domination-soumission) et/ou sur un registre plus corporel au travers de sensations physiques variées (SM)
Il est important comme dans toutes les sexualités mais en particulier dans ce registre, de :
Consentir de manière enthousiaste et éclairée. Ce qui veut dire se renseigner sur ce qui va se passer pour chacun des partenaires (négocier le cadre de jeux)
Se former car certaines pratiques (ex. le shibari) nécessitent de solides compétences techniques. Le risque zéro n’existe jamais.
Définir d’un safe word qui mettra un terme immédiat à l’action en cours. Il peut être graduel (vert-orange-rouge) ou net (stop). Eviter les mots compliqués et/ou ambigus.
Être en relation de confiance. Éviter d’explorer avec la 1ere personne venue mais plutôt avec une personne avec laquelle une relation est déjà établie et avec qui il n’y aura pas d’enjeux, d’emprise psychologique.
Pourquoi toutes ces précautions ?
Tout simplement parce que l’idée de cette sexualité est de venir jouer et questionner ses propres zones d’inconfort, de plaisir, de douleur, ses tabous.
Il peut avoir des conséquences physiques (incidents liés à une pratique - ex-martinet/ fouet/ bougie/shibari…) ou psychologiques (dépasser une limite non anticipée, aller trop loin dans une pratique, faire une mauvaise rencontre) lourdes de conséquences.
Comment débuter en douceur avec un.e partenaire consentant.e ?
Renseignez-vous sur les pratiques, les jeux en lien avec la domination-soumission ou le SM. Pas besoin d’aller en club ou d’investir d’emblée dans une panoplie complète.
Définissez ce qui vous plairait vraiment d’explorer ensemble, ce que vous ne voulez pas du tout explorer et ce que vous pourriez avoir envie d’explorer sans certitudes d’apprécier. Choisissez vos rôles, un safe word dicible et compréhensible par chacun et une durée de jeu.
Exemple d’une petite séance facile à mettre en place
A bande les yeux de B (privation sensorielle) et peut lui ordonner de s’allonger sur un lit, maintenir la position avec des menottes (moins risqué que les cordes) et jouer sur les sensations physiques (plume, griffures, glaçon, bougie…) et/ ou cérébrales (attente, chuchoter des choses, dirtytalk soft ou poussé) mais aussi sur l’axe plaisir-douleur en plaçant des pinces sur les tétons tout en stimulant (vibro par exemple) l’intimité de B.
A peut imposer à B de demander l’autorisation de jouir et lui accorder ou pas en fonction de son propre plaisir (cette pratique s’appelle edging).
Conseil :
Essayez de prévoir un petit déroulé mental du scénario choisi, de sortir tous les accessoires nécessaires à portée de main. Cela aidera à garder le rythme et évitera le syndrome de la page blanche ou de devoir partir dans la pièce voisine chercher ce qui manque.
Rythme soutenu et progressif, comment faire ?
Vous avez choisi d’explorer ensemble ces jeux transgressifs.
Ça ne veut pas dire ne pas prendre soin de l’autre mais lui demander toutes les 2 min si ça va ne le responsabilise pas (le safeword est là pour indiquer comment iel se sent : vert= ça va, orange = ça devient compliqué rouge = stop immédiat) et l'empêche de se plonger dans ses ressentis.
Cela risque de manquer de saveur et de rythme si chaque petit coup de cravache sur les fesses est suivi d’une caresse. Il vaut mieux partir sur une distribution progressive de ces coups et finir par la récompense : la caresse (ou autre)
Et après ?
L’aftercare (on en parle ici) est un moment important pour revenir à un état plus stable. Les endorphines sont encore présentes dans le corps aussi il perdure un état de conscience modifié pour quelques heures. Quand les esprits sont clairs, prendre le temps de débriefer est fondamental car cela permet de revenir sur ce qui a été plaisant ou pas. Cet échange doit être constructif et aide à comprendre ce qui se joue intérieurement en chacun. En effet, il n’est pas si évident d’aller explorer ses parts d’ombre, d’oser transgresser les normes sans en être affecté.e.
Enfin, cela contribue à renforcer le lien de confiance puisque chaque partenaire peut s’exprimer librement sur ses ressentis et être entendu.e par l’autre.